J’accuse avant J’accuse… !

Tout le monde connaît le J’accuse… ! de Zola, connaissiez-vous le J’accuse de Bernard Lazare ? Venez le découvrir à l’exposition « Alfred Dreyfus, Vérité et justice » au MAHJ, grâce au Fonds Bernard Lazare de la bibliothèque de l’Alliance

La formule J’accuse… ! est l’une des plus célèbres accroches de toute l’histoire du journalisme.
Emile Zola l’utilise pour son article décisif paru dans l’Aurore, le 13 janvier 1898, qui va bouleverser le cours de l’Affaire Dreyfus, et de l’histoire de France.

Mais très peu de gens savent que cette formule figurait déjà dans un document exceptionnel, resté inédit jusqu’à cette exposition Dreyfus au MAHJ.

Ces trois pages manuscrites de la main de Bernard Lazare, datées de 1895, sont intitulées « L’hypothèse ». Dans ce travail qui reconstitue le déroulement des débuts de l’Affaire, rédigé à la demande de Mathieu Dreyfus,, le frère admirable d’Alfred Dreyfus,  Lazare s’interroge :

Pourquoi cependant a-t-on choisi spécialement le Capitaine Dreyfus ? Parce que le capitaine Dreyfus était juif, parce qu’on escomptait la terrible campagne de presse qui s’est produite, parce qu’on savait que l’affaire serait étouffée s’il s’agissait de tout autre officier, de tout autre fonctionnaire même. N’avons-nous pas vu étouffer l’affaire Schwartz quand on a vu que cet ex-commissaire de police n’était pas israélite ? Le calcul était juste, la presse s’est ruée sur le Juif et tout appel à la justice a été étouffé.AIUPHOT_1138-bis.jpg

Telle est mon hypothèse, je n’y insiste pas, parce que je tiens à apporter des faits et non pas des appréciations.

 Le texte se poursuit, et dans ses conclusions, on découvre une anaphore qui sera rendue célèbre quelques années plus tard sous la plume d’Emile Zola :

Quant à moi, j’accuse le Général Mercier, ancien ministre de la guerre d’avoir manqué à tous ses devoirs. Je l’accuse d’avoir égaré l’opinion publique, je l’accuse d’avoir fait mener dans la presse  une campagne de calomnies inexplicables contre le capitaine Dreyfus. Je l’accuse d’avoir menti. J’accuse les collègues du général Mercier de n’avoir pas empêché cette iniquité.  Je les accuse d’avoir aidé le ministre de la guerre à entraver la défense, je les accuse de n’avoir rien fait pour sauver un homme qu’ils savaient innocent……

Cette brochure de 1895 ne sera pas publiée. Mais Philippe Oriol montre bien que Bernard Lazare étant présent au moment de la rédaction du fameux pamphlet de Zola, il le dit ainsi : « Il eut été dommage que fût perdue l’heureuse trouvaille de la  litanie et sans doute Lazare la donna-t-elle à Zola. »

Philippe Oriol est historien, il dirige la Maison Emile Zola/ Musée de l’Affaire Dreyfus qui se trouve dans l’ancienne résidence du couple Zola à Médan. Il est sans doute l’homme qui a dépouillé la plus grande quantité d’archives concernant l’Affaire Dreyfus. Ses passions s’étendent aux milieux anarchistes, aux groupes artistiques marginaux de la fin du 19ème et du début 20ème siècle. Il est avec Isabelle Cahn, co-commissaire de l’exposition Dreyfus au MAHJ.

Le Fonds Bernard Lazare

Pour la bibliothèque de l’Alliance israélite universelle, cette exposition est l’occasion de mettre en avant une collection unique, celle du Fonds Bernard Lazare. Nous avons en effet reçu il y a plusieurs décennies le don d’un extraordinaire ensemble de papiers venant de l’appartement de Bernard Lazare. Dans ces boîtes se trouvent d’innombrables papiers, constituant les notes de recherche de Lazare, des manuscrits de ses premiers écrits, des poèmes symbolistes, des œuvres communes avec son cousin Ephraïm Mikhaël. Et bien sûr un ensemble de documents précieux sur les recherches que Lazare a menées, à la demande de la famille Dreyfus, pour découvrir le vrai traître et obtenir la révision du procès inique qui a condamné le capitaine.

Quand on sait enfin que c’est Philippe Oriol qui a reçu la délicate mission de décrire en détail le Fonds Bernard Lazare, et d’en exploiter le contenu pour ses recherches et ses publications, on voit que la boucle est bouclée et que l’exposition du MAHJ est très intimement liée au destin de la bibliothèque de l’Alliance.

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