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La fondation de l’AIU
Le 17 mai 1860, dix-sept jeunes juifs français se réunissent au domicile parisien de l'un d'entre eux. Parmi eux, des médecins, des enseignants, des journalistes, des juristes, des hommes d'affaires... : autant de représentants de la bourgeoisie juive libérale de la fin du XIXe siècle, héritière des Lumières et de l'Emancipation, profondément patriote sans renier pour autant ses origines. A l'issue de cette rencontre, six d'entre eux rédigent l'Appel de l'Alliance, texte fondateur de la nouvelle institution.
" Rassembler tous les cœurs généreux pour lutter contre la haine et les préjugés. Créer une société de jeunes israélites idéalistes et militants qui se sentiraient solidaires de tous ceux qui souffrent par leur condition de juifs ou tous ceux qui sont victimes de préjugés quelle que soit leur religion. Faire enfin que la culture supplante l'ignorance de quelques fanatiques, pour le bien de tous. [...] Si vous croyez que ce serait un honneur pour votre religion, une leçon pour les peuples, un progrès pour l'humanité, un triomphe pour la vérité et pour la raison universelle de voir se concentrer toutes les forces vives du judaïsme, petit par le nombre, grand par l'amour et la volonté du bien, venez à nous, nous fondons , nous fondons l'Alliance israélite universelle. "
L'historien Michaël Graetz commente justement : les fondateurs préconisèrent dans leur manifeste de 1860 une synthèse des idées de 1789, d'égalité, de justice et des droits de l'homme, et des principes du judaïsme, de sa conception d'un Dieu unique et de sa foi en une rédemption universelle au temps du Messie. Il est bon de rappeler les noms de ces six principaux fondateurs, jeunes (la moyenne d'âge est de trente-trois ans) et enthousiastes :
- Charles Netter, fils d'une longue lignée de rabbins, lui-même homme d'affaires fortuné, depuis toujours attentif au sort des communautés d'Europe ;
- Narcisse Leven, avocat, collaborateur d'Adolphe Crémieux, déjà actif dans diverses œuvres de bienfaisance ;
- Isidore Cahen, ancien élève de l'Ecole normale supérieure, professeur de philosophie, partisan affirmé de la liberté de l'enseignement et du principe de la séparation des Eglises et de l'Etat ;
- Eugène Manuel, lui aussi normalien, poète et homme de lettres ;
- Aristide Astruc, rabbin d'origine portugaise (sa famille s'est installée à Bayonne sous Louis XIII), adversaire déclaré des excès de l'assimilationnisme ;
- Jules Carvallo, enfin, le doyen, âgé de quarante-et-un ans, ingénieur des Ponts et Chaussées, pionnier des chemins de fer, président-fondateur d'un journal, L'Opinion Nationale, de tendance plutôt favorable à l'Empire.
Il y a, bien sûr, un grand absent : Adolphe Crémieux. Profondément déstabilisé par la récente conversion de ses enfants au catholicisme - à l'initiative de son épouse -, l'avocat nîmois, véritable instigateur de la fondation de l'AIU, n'a pas voulu apparaître au premier plan de ceux qui lançaient le projet. Mais trois ans plus tard, en 1863, il allait être porté à la présidence de l'institution.
La protection des minorités
Le combat pour l'égalité des droits - non seulement pour les juifs, mais pour toutes les minorités religieuses - figure parmi les priorités de l'Alliance.
Dès 1860, l'année même de sa fondation, elle intervient en faveur des chrétiens du Liban victimes d'émeutes populaires. En 1863, elle intercède auprès du ministre de la Justice espagnol pour des protestants emprisonnés auxquels on reproche leur propagande en faveur de leur religion. Dans la plupart des pays d'Europe, elle tente ainsi d'obtenir la grâce ou le sursis pour des malheureux condamnés injustement parce qu'ils n'étaient protégés par aucune juridiction, par aucune puissance.
A l'issue de la guerre russo-turque de 1877, une réunion des principales puissances est convoquée à Berlin, en juin 1878. Considérant que cette réunion internationale peut fournir l'occasion d'aborder en particulier la question des minorités juives dans toute la Turquie d'Europe, l'Alliance décide d'envoyer une délégation à Berlin. Ainsi la question juive est-elle introduite dans un ordre du jour qui n'en prévoyait pas le règlement. C'est une véritable "première" en matière de relations internationales. Le succès est inespéré : sur proposition de la délégation française, soutenue par l'Allemagne et l'Angleterre, les conclusions suivantes sont adoptées : "La distinction des croyances religieuses et des confessions ne pourra être opposée à personne comme un motif d'exclusion ou d'incapacité en ce qui concerne la jouissance des droits civils et politiques, l'admission aux emplois publics, fonctions et honneurs ou l'exercice des différentes professions et industries, dans quelque localité que ce soit. La liberté et la pratique extérieure de tous les cultes sont assurées à tous les ressortissants nationaux aussi bien qu'aux étrangers ; et aucune entrave ne pourra être apportée soit à l'organisation hiérarchique des différentes confessions, soit à leurs rapports avec leurs chefs spirituels."
Un réseau scolaire pour donner accès à la culture française et à la modernité
Aux yeux des dirigeants de l'Alliance, l'accès à la culture est aussi une condition sine qua non de l'émancipation et participe du processus de "régénération" - terme compris dans l'acception de l'époque - qui a pour but de faire des juifs des citoyens modernes et éclairés, partout à travers le monde. La création d'écoles s'impose donc d'emblée comme corollaire indispensable à l'action d'aide et de soutien aux juifs opprimés. Ce projet est déjà inscrit dans l'Appel de l'Alliance de 1860:
"Si vous croyez qu'un grand nombre de vos coreligionnaires, encore accablés par vingt siècles de misère, d'outrages et de proscriptions, peuvent retrouver leur dignité d'hommes, conquérir leur dignité de citoyens ; si vous croyez qu'il faut moraliser ceux qui sont corrompus, et non les condamner ; éclairer ceux qui sont aveuglés, et non les délaisser ; relever ceux qui sont abattus, et non se contenter de les plaindre ; défendre ceux qui sont calomniés, et non se taire [...], israélites du monde entier, venez, écoutez notre appel, accordez-nous votre adhésion, votre concours."
En octobre 1862, l'Alliance ouvre sa première école à Tétouan, au Maroc. La première pierre est posée de ce qui va peu à peu devenir un réseau scolaire intense et rayonnant qui offre à tous – garçons et filles – un enseignement moderne, en langue française, tout en ne négligeant pas les valeurs et la religion juives. De 1862 à 1885, des dizaines d’écoles ouvrent sur trois continents : Europe, Afrique, Asie, offrant des perspectives d’avenir à des milliers d’enfants qu’elle éduque, soigne, nourrit et habille, participant ainsi activement à l’amélioration de la situation socio-économique des communautés juives.
L’Alliance poursuit son expansion jusqu’à son apogée à la veille de la Première Guerre mondiale. Elle compte alors 183 écoles réparties dans 90 villes : en Afrique du Nord, dans l’Empire ottoman et les Balkans, au Moyen-Orient. L’Alliance ouvre à Paris une école de formation des maîtres, l’Ecole normale israélite orientale qui sera dirigée après 1945 par le célèbre philosophe Emmanuel Levinas.
Dès 1870, l’AIU s’implante en Palestine avec l’installation de la célèbre école d’agriculture de Mikveh Israël. Conçue, construite et dirigée par l’inlassable Charles Netter, celle-ci se proposait de préparer ses élèves au travail de la terre. Peu après, ouvrait une école à Jérusalem où Eliézer ben Yéhouda, en croisade pour la renaissance de l’hébreu, mettra en pratique ses méthodes d’enseignement. D’autres écoles, à Tibériade, Safed, Haïfa, Jaffa, réussiront à scolariser des enfants qui ne trouvaient pas toujours de cadres où s’insérer. Le rôle de l’Alliance israélite universelle dans la création du nouveau Yichouv, la propagation de l’hébreu et la préparation des esprits est de première importance.
Avec la dislocation de l’Empire ottoman, l’Alliance quitte progressivement la Turquie et les Balkans. Parallèlement, entre les deux guerres, elle renforce son réseau d’écoles au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. L’Algérie est un cas à part : les Juifs, Français depuis 1870, ont accès aux écoles publiques. L’Alliance n’y ouvre donc des écoles que pour l’enseignement religieux et l’apprentissage professionnel. En fonction des événements politiques, l’institution peut s’adapter, comme elle l’a fait en abandonnant le français en Turquie ou en Irak.
De 1939 à nos jours
Dans les années 1930, l’Alliance participe, avec d’autres institutions juives à la lutte contre l’antisémitisme et vient en aide aux réfugiés qui arrivent en France.
Durant l’Occupation, l’Alliance suit le gouvernement à Vichy et en reçoit des subsides pour son réseau scolaire. Elle sera expulsée en juin 1942. La Bibliothèque de l’AIU est spoliée par les Nazis et seule une partie des collections sera retrouvée après-guerre en Allemagne.
Pendant ce temps, les directeurs à travers le monde sont livrés à eux-mêmes et doivent faire face à d’importantes difficultés. En 1943, alors que les Alliés libèrent petit à petit les régions où sont implantées les écoles, Charles De Gaulle nomme René Cassin, depuis Londres, à la tête de l’Alliance. Premier civil à répondre à l’Appel du 18 juin 1940, René Cassin participe activement à la « France libre », en tant que conseiller juridique, commissaire à la Justice et à l’Instruction publique au sein du Comité national français… Lors d’une mission effectuée au Moyen-Orient pendant la guerre, il visite les écoles de l’Alliance et prend la mesure des actions de cette institution dont les valeurs rejoignent les siennes.
Après la guerre, ce nouveau président affirme les positions de l’institution face à la décolonisation et à la création de l’État d’Israël, lui donnant ainsi un nouveau souffle. L’AIU s’implique également dans la défense des droits de l’homme et dans la lutte pour permettre aux Juifs d’URSS d’émigrer.
L’Alliance quitte petit à petit les pays musulmans nouvellement indépendants à l’exception du Maroc où de nombreuses écoles avaient été créées dans les villages reculés avant que les Juifs ne quittent ces régions. Elle développe largement ses activités en Israël mais également en France où elle ouvre pour la première fois des écoles primaires et secondaires et se consacre à la diffusion de la culture juive au plus large public à travers la publication de revue, le Collège des Etudes juives ou le développement de sa Bibliothèque.
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